Aujourd’hui, Cinésucre nous parle d’intermittence…
Je suis chanceuse, je fais un métier que j’adore, c’est ma passion, ma vie. Je suis comédienne-chanteuse. Je fais rêver les enfants et parfois même les adultes. Mes amis sont fiers de moi et même mes parents.
Je suis chanceuse, je suis intermittente du spectacle. A force de figurations (payés en dessous du tarif syndical) et d’animations pour enfants (de choses pas très passionnantes), j’ai réussi à cumuler 507 heures de travail payés en 10 mois 1/2.
Je suis chanceuse car grâce aux assedics, je peux travailler sur des projets hyper passionnant mais hyper pas payés (clown à l’hôpital, écriture d’une comédie musicale, spectacles payés à la recette…) ou pas payé du tout (« mais c’est une formidable aventure humaine ») …
Je suis chanceuse car je commence à comprendre tous les rouages de l’intermittence (et croyez moi, c’est pas donné à tout le monde). Grâce à ça, j’arrive à gagner mes combats contre le Pole emploi, qui essaye de me radier, années après années, pour des raisons plus farfelues les unes que les autres.
Je suis chanceuse car, n’ayant pas un rythme de vie très élevé, j’arrive à mettre des sous de côté pour les mois où je ne touche rien du tout puisque je n’ai pas réussi à me faire payer au moins 507 heures de travail.
Je suis chanceuse, mes parents me soutiennent et peuvent m’aider financièrement quand le pole emploi refuse de comprendre que mon dossier est en ordre depuis quelques mois déjà mais « ne vous inquiétez pas, c’est rétro-actif ».
Je suis chanceuse, je ne suis pas pudique. Alors quand il le faut, je pleure à l’anpe du spectacle pour que mon dossier passe après 4 mois de combat. Et ça marche.
Je suis chanceuse car quand on me dit que les intermittents du spectacle sont des voleurs, ou des fainéants, j’arrive à ne pas (trop) m’énerver, je garde mon calme. En tout cas j’essaie.
Oui, je suis chanceuse … mais pour combien de temps encore ?
(toi aussi tu es intermittent? ton témoignage nous intéresse, envoie le nous payetonprecaire (a) gmail.com)
Hélène
26 avril 2012
Il y a beaucoup de choses à dire sur le régime des intermittents. Travaillant dans le secteur de l’audiovisuel, et connaissant dans ma vie personnelle pas mal d’intermittents, j’ai un avis très mitigé sur ce système.
D’un côté, vous avez les intermittents qui galèrent pour gagner trois francs six sous (alors converti en euros, je vous dis pas). Qui doivent sans cesse se démener pour trouver des heures par ci, des heures par là. Qui travaillent la plupart du temps beaucoup plus d’heures que ce qui sera ensuite déclaré à leur crédit (genre la journée de 14 heures ramenée à une journée de 8 heures sur la fiche de paie). Qui connaissent une grande précarisation (pour trouver un logement faut s’accrocher).
De l’autre côté, vous avez des employeurs (genre chaînes de télé) qui profitent grassement du système en ayant abusivement recours à l’intermittence alors qu’ils pourraient embaucher à temps plein. Encore une fois, comme sur d’autres sujets (je pense aux contrats aidés et aux temps partiels), ce sont les employeurs qui pervertissent le système pour le détourner à leur avantage. Au final, ceux qui en pâtissent sont toujours les salariés à qui on vient reprocher les déficits des systèmes d’indemnisation. L’employeur embauche et débauche comme ça l’arrange, et c’est la solidarité nationale qui est censée compenser la précarisation des salariés. Un bon exemple qui démontre que permettre plus de flexibilité pour les employeurs n’est à l’avantage ni des salariés, ni des caisses de l’État.
Cependant, pour nuancer ce tableau, il faut quand même savoir qu’intermittence ne signifie pas toujours galère ou précarité. J’ai lu récemment que 80% des intermittents avaient en 2010 des revenus nets supérieurs à 18.110 € alors que ce n’est le cas que pour 50% des Français. (http://resultat-exploitations.blogs.liberation.fr/finances/2012/04/o%C3%B9-couper-dans-les-d%C3%A9penses-suivez-la-cours-des-comptes-.html)
Il y a aussi des boulots extrêmement bien payés dans ce secteur. Certains techniciens ou réalisateurs ont des salaires très élevés. Je vois souvent passer des fiches de paie bien sympathiques. Je pense qu’il serait aussi indispensable de fixer des plafonds annuels au-delà desquels on ne peut plus bénéficier de ce régime, qui est tout de même censé compenser une certaine précarité.
Quand on a de très bons revenus annuels et qu’on travaille très régulièrement pour les mêmes employeurs, ça devient carrément injuste de continuer à bénéficier de ce régime d’indemnisation très favorable. La précarisation devenant la règle plus que l’exception dans le monde du travail (temps partiels, CDD, contrats aidés, intérim), la situation des intermittents n’est plus si exceptionnelle et anormale. Et les autres précaires du monde de travail n’ont pas la chance de bénéficier des aides et des protections accordées aux intermittents.
Ce qui compte je trouve, c’est le revenu annuel et pas le secteur dans lequel on travaille. De nos jours, c’est tout aussi galère d’être un précaire lambda qu’un précaire du spectacle.
Comme le régime d’assurance-chômage des intermittents est extrêmement déficitaire (1/3 du déficit de l’assurance chômage pour 3% des salariés seulement), je crois qu’il faudrait mettre de l’ordre du côté des employeurs, mais aussi adapter les règles du côté des bénéficiaires.
Almira Gulsh
26 avril 2012
je suis tout à fait d’accord. Ayant travaillé aussi dans l’audiovisuel, j’ai cotoyé certains intermittents qui n’ont pas d’autre choix que d’accepter la permittence. Késaco? Le permittent, il vient bosser 35h par semaine, mais n’est déclaré par son employeur que 507h par an.
Ce système est clairement dégueulasse illégal, mais toléré.
Souvent, les structures (je parle de toutes petites structures, souvent très fragiles, ou tout ne tient qu’à un cheveu) ont besoin de personnel qualifié à plein temps et n’ont pas les moyens de prendre un salarié qualifié en CDI à 35h, alors qu’ils en ont besoin pour continuer à exister. Alors comme il s’agit de professions (je pense à la production notamment) qui peuvent bénéficier du statut d’intermittence, les structures n’ont pas le choix. Il existe bien les contrats aidés, qui sont financés par l’état, mais les conditions d’accès sont limitées (conditions de diplômes, d’âge, de zone urbaine, de chômage longue durée), et en plus, ce sont des temps partiels de 6 mois renouvelables une seule fois qu’elles n’ont pas les moyens de pérenniser.
C’est dégueulasse aussi pour l’intermittent, qui souvent accepte, parce que c’est pour lui l’assurance d’avoir ces 507h. Mais pour lui, tout peut s’arrêter du jour au lendemain, et que si la fraude est découverte, il risque plutôt gros.
C’est aussi dégueulasse pour les intermittents qui n’ont pas recours à se système. Parce que même si la combine permet la survie de petites structures, elle finit par coûter cher à l’état et à décrédibiliser le statut.
Tout cela est symptomatique du gros malaise qu’il existe dans le secteur de la culture aujourd’hui, qui semble de plus en plus oublié (que voulez vous, une compagnie d’art de rue, ça en jette moins que la vente de rafales).
C’est pour ça que je suis d’accord avec Hélène. Il faudrait remettre de l’ordre dans tout ça, et aussi revaloriser le budget de la culture (0.76% du budget de l’état – il est loin le vieux fantasme du 1% du budget total de l’état) et donc sa place (que je pense être primordiale) dans notre société.
julien
30 avril 2012
Ce que je sais des intermittents du spectacle c’est qu’ils sont payé à la prestation sans dire de bétises. Donc à moins d’être overbooké, ça doit être dur d’en vivre. Je dis chapeau car c’est avant tout des métiers passionnant mais peux payé malheureusement.
Fracture de nuit
30 octobre 2012
Etrange comme c’est toujours les mêmes qui vivent des « foooormidaaables aventures humaines » et des « expériences enrichissantes » hélas non payées.